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D'ombre et de lumiere
8 décembre 2010

Pierres de rêves...

 hiver.jpg

 

 

 

La plus belle expérience que nous puissions faire, disait Einsteinn est celle du mystère, la source de tout vrai art et de toute vraie science.

On considère si souvent l’art comme radicalement différent, opposé la science, comme l’émotion à la raison.

On imagine que la froide lucidité, l’aride objectivité  de la démarche scientifique qui révèle la réalité du monde, s’oppose au tumulte irrationnel, au sentiment d’étrangeté que produit la démarche artistique qui révèle la manière dont nous percevons le monde. 

Mais c’est une notion récente.

L’un des plus grands traité de connaissance scientifique qui date d’il y a plus de 2000 ans qui nous est parvenu; est un poème écrit en vers  De Natura Rerum De la nature des choses, de Lucrèce qui mêle  l'art et la science.

Le Beau est la splendeur de vrai disait Platon.

Rien n’est beau que le vrai disait Boileau

Rien n’est vrai que le beau répondait  Musset 

Et le poète Keats refusant toute relation de hiérarchie les faisait rentrer en résonance: La beauté est vérité disait il, la vérité est beauté.   

Durant l’antiquité, durant la renaissance, durant les lumière, art, science, philosophie était souvent associés et mêlés. Leonard de Vinci était peintre et ingénieur, Goethe faisait des recherches scientifiques sur la lumière et le développement des plantes.

Il y  a la source de la création et à la source de la création scientifique ce mystère, cette étrangeté cette incertitude ; ce vacillement dont parle Einstein. Comprendre et ressentir, imaginer, rêver, Ressentir permet de mieux comprendre et comprendre permet de mieux ressentir 

Le contact avec une œuvre d’art nous permet d accéder a un monde intérieur, le monde intérieur de l artiste. Combien de façon différente inconnu toujours nouvel, de vivre et de ressentir. S’émerveiller de ce que qu  autre personne qui peut avoir disparu depuis longtemps nous donne a voir a entendre,  à ressentir  à comprendre, à partager. De je a tu de je  à nous. La, où la science décrit de l’extérieur parle  de nous et du monde  a la 3eme pers du singulier, parle de nous en disant il ou elle ou eux, le contact avec une oeuvre d’art nous permet de ressentir que, il y a une parole de je à tu, de je nous par delà l espace et le temps, par de là la mort un dialogue au delà du langage en deçà du langage dans le langage de sons des formes des images, des couleurs des mouvements. L’émotion artistique fait appel à nous a nous a quelque chose de plus ancestral de plus précoce dans notre vie que l abstraction.

Darwin disait que l’émotion, la sensation de beauté était a l'origine et au cœur de  ce qui nous faisait humain.

Les plaintes de la souffrance sont à l origine du langage disait Raymond Queneau, mais probablement aussi la joie, l'affection, l attachement, l amour la découverte ébloui du monde et des autres. Le sourire et le regard d une mère avant même la compréhension m du sens des mots qu elle prononce.

Nous sommes de cette étoffe sur lesquels naissent les rêves disait Shakespeare et nos rêves naissent bien avant que nous sachions de quoi cette étoffe et faite.

Il n y a pas nous disent les neurologues modernes d’attention, d intention de choix, de mémoire sans émotions. Elles sont le socle sur lesquelles nous nous construisons.

L'émotion devant une œuvre d’art nous livre une partie du monde intérieur de l'artiste. Le  peintre ne doit pas seulement peindre ce qu’il y voit devant lui, mais aussi ce qu il voit en lui, disait le peintre romantique Gaspard Frederich. Mais le peintre ne doit pas obligatoirement peindre. Une œuvre d’art n’est pas une personne à créer même si nous le pensons souvent en Occident. Il existe ailleurs, il a existé avant d’autre forme  d art. Il existe ne Chine des tableaux de pierre que l’on appelle des pierres de rêves. Ce sont des tranches de roches à l intérieur desquelles se dessinent des paysages des montagnes, des arbres des lacs, des nuages qui ont émergés spontanément dans la pierre au cours du temps.

L artiste est celui qui va dans la montagne ouvre la roche, la découvre, voit reconnaît ce tableau naturel, en est ému, en découpe en pans, lui donne un titre et le signe de son nom.

L’artiste peut être simplement celui qui nous donne à voir ce qu’il a découvert, ce qu’il a imaginé, ce qu’il a reconnu, ce qu il  a ressenti. L’œuvre d‘art peut être simplement ce partage d’un regard  à travers l espace et le temps.

La science, les sciences nous font cesse découvrir en nous et autour de nous, ces pierres de rêves étranges dont nous ne soupçonnons pas l existence. Et par delà la compréhension qu’elles nous apportent, elles nous font ressentir, nous permettent de nous approprier le monde.

Le livre de la nature: nuées, météores, bêtes, forêts, saisons, qui depuis l origine des siècles, nous ont permi nous dit Victor Hugo d’épeler l’univers.

La beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses elle-même. Elle existe seulement dans l’esprit de celui qui la contemple disait le philosophe David Hume. Dans leurs tableaux les peintres de la renaissance italienne intégraient à la beauté des formes et des couleurs, une géométrie invisible mais perçue. Les lois de perspectives, l’harmonie de proportion, les jeux d’ombre et de lumière et de lumière, la profondeur du champ, le relief. D’où vient ce sentiment de beauté devant une surface, cette illusion qu’elle s’étend, qu’on peut y entrer et s’y perdre.

Gallien, le médecin de l’empereur Marc-Aurèle, et beaucoup plus tard Léonard de Vinci avait remarqué que les images reçues par nos deux yeux étaient légèrement différentes l’une de l autre.

Mais ce n’est qu’au début du 19émé siècle que fut proposé l’idée que bien que le cerveau fusionne automatiquement et inconsciemment les deux images en une seule, les toutes petites différences entre ces deux images jouent un rôle essentiel dans la capacité du cerveau à produire, à déduire, à inventer, une sensation d’espace, de relief, de volume, de profondeur de champ et à inventer un monde en trois dimensions.

Il y a de nombreux indices qui permettent d’estimer cette dimension de profondeur: les parallèles qui se rejoignent au loin. Les objets lointains qui paraissent plus petits que les objets proches, les objets lointains même grands qui sont cachés par des objets proches, même petits, les ombres qui dessinent des formes, les objets au loin qui deviennent troubles et bleus par l'atmosphère. Et lorsque nous nous déplaçons les changements de relations spatiales entre les objets qui nous renseignent sur leurs positions respectives. Mais la perception, la sensation, le fait de ressentir la profondeur de champ, le relief et non pas de l’estimer, de la juger dépend de la vision binoculaire avec les deux yeux en stéréo. Mais cette sensation nous est si familière qu’on l oublie et que nous ne la  remarquons même pas. Dans son dernier livre non encore traduit « The Mind’s Eyes » « l’œil de l ‘esprit » le neurologue Oliver Sacks raconte l’histoire d’une femme qui a depuis toujours un strabisme. Les deux yeux ne voient pas ensemble la même image et qui  n’a jamais vu autant qu’elle s’en souvienne en trois dimensions. Cela ne la gène pas, pour elle c est le monde tel qu’il est, qu’elle voit et qu’elle ressent Mais elle est professeur de neurobiologie, elle sait tout des recherches sur la vision. Et elle pense qu’elle imagine qu’elle peut se représenter ce qu’elle ne peut pas voir mais qui ne lui manque pas vraiment. Et puis un jour, alors qu’elle a après de 50 ans et que sa vue commence à décliner, elle consulte et s’engage dans une rééducation avec des lunettes qui contiennent des prismes et permettent à ses yeux de converger sur une même image. Au début, elle ne perçoit rien. Puis un jour dit-elle «  je revenais à ma voiture et je vis le volant de la voiture. Il avait surgi du tableau de bord… Je n’avais aucune idée de ce que j’avais manqué jusque là, les choses ordinaires paraissaient extraordinaires. Les fleurs paraissaient intensément gonflées réelles, alors qu’avant elles paraissaient plates.

Elle avait gagné non pas un nouveau sens mais un degré pour elle s’était radicalement nouveau  sens dans la vision. Pour elle c’était vécu comme un nouveau sens, une nouvelle forme de perception, elle ressentait autrement le monde et pendant près d’un demi-siècle, la potentialité de voir en relief dormait dans son cerveau être réveillé. Un jour d’hiver écrit-elle à Oliver Sacks, je me pressais hors de la salle de cours pour aller déjeuner. Après quelques pas je m’arrêtais. La neige était en train de tomber autour de moi en grands flocons humides.. Je pouvais voir l’espace entre chaque flocon et tous les flocons ensemble produisaient une belle danse en trois dimensions. Avant la neige me semblait tomber en rideau plat dans un plan devant moi. J’avais l’impression de voir la chute de neige devant moi mais maintenant, je me sentais à l’intérieur parmi les flocons de neige.Oubliant le déjeuner, je regardais la neige tomber pendant plusieurs minutes et pendant que je regardais, j’étais submergée par une profonde sensation de beauté. Une chute de neige peut être très belle surtout lorsque vous la voyez pour la première fois.

Mais alors s’il est difficile d’imaginer des façons de percevoir et de ressentir le monde qu’on n’a jamais vécu auparavant. Il en est autrement lorsqu’on perd à l’âge adulte cette sensation. C’est ce qui arrive lorsqu’on perd la sensation d’un œil. C’est ce qui est arrivé momentanément à Oliver Sacks lui-même. Le monde devient plat sans relief, moins beau. Mais progressivement petit à petit le cerveau peut réinventer autant en s’aidant de petits mouvements, de  l’audition, de la mémoire, un monde en trois dimensions.

Oliver Sacks raconte une rencontre avec le naturaliste, l’évolutionniste Edward Wilson le père de la sociobiologie. Il a perdu un œil dans son enfance mais il dit qu’il ressent très bien ressentir les distances, la profondeur, le monde en trois dimensions. Oliver Sacks remarque pendant l’entretien qu’il fait sans cesse pendant l’entretien de petits mouvements de la tête de haut en bas et pense qu’il s’agit d’un tic. Mais Wilson lui dit que cela lui permet de voir en relief. Son œil unique lui transmet à intervalle extrêmement bref, deux images légèrement différentes presque comme s’il avait deux yeux.

Il en de même de l’audition.

La musique est probablement, l’art le plus concret, les sons, le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles dans le vent, le bruit des vagues sur le sable est le plus abstrait…..

La musique n’a rien d’évident. Elle se ressent, elle se vit.

La beauté d’un morceau de musique, d’une symphonie, d’un concert, d’un nocturne, d’un chant, tient a de très nombreuses dimensions : le ton, le timbre, le rythme, la ligne mélodique, la structure globale de la mélodie, les contours, le lieu la distance des source de son, les volumes et   la forme de la salle  la réverbération de son qui comptent dans la conception des salles de concert et qui font chanter les sons.

La perte d audition dans une oreille peut rendre la musique plate sans vie, lui faire perdre une grande partie de son pouvoir émotionnel comme nos deux yeux qui donnent un relief aux formes, nos deux oreilles donnent un relief aux sons. Parce que les sons ne sons pas perçus de manière identique dans l’espace et le temps par chacune de nos oreilles. Notre cerveau crée un monde sonore en plusieurs dimensions. Et là encore en s’aidant de la mémoire, de la vision, des vibrations, le cerveau, la personne peuvent réinventer cette richesse, lorsque l’audition d’une oreille a été perdue, restaurant la plénitude du pouvoir émotionnel de la musique.

La perception n’est jamais purement dans le présent,dit Oliver Sacks. Son interprétation puise dans l’expérience passée. Chaque acte de perception est en partie un acte de création. dit le neurobiologiste Gerald Edelman.

La musique est universelle. Dans toutes les cultures, il y a des chants, des instruments de musique, des danses, qui synchronisent les mouvements, les émotions. La musique meut et émeut.

Ecouter, consciemment ou inconsciemment de la musique, s’est se souvenir, imaginer, rêver, anticiper, attendre, autant que répondre.

 Et imaginer une musique, active dans le cerveau, le cortex auditif, presque autant que l’entendre réellement, et stimule aussi le cortex cérébral moteur anticipant les mouvements. Pour un pianiste l’exercice mental,  entendre la musique et jouer dans sa tête donne des résultats quasi identiques a un exercice réel sur le piano.

Et de la même façon que la tache aveugle dans notre rétine, la petite partie de notre rétine  que troue le nerf optique, est automatiquement et inconsciemment remplit par le cerveau, de petites coupures dans une musique familière  ou segments de musique sont remplacés par des intervalles de silence ne sont pas remarqués consciemment mais entraîne chez celui qui écoute une activation du cortex cérébral auditif. qui remplit de la musique connue, cette petite tache temporel de silence

La musique est comme une narration. Elle nous raconte une histoire. Elle aide à mémoriser des séquences et els enfants apprennent souvent l alphabet en chantant. On se joue la musique en nous; On les écoute Les mélodies entendues sont douces, disait le poète John Keats, mais celles qui ne sont pas entendues sont plus douces encore : celles qu’on entend en soi.

Si la musique peut éveiller en nous des émotions, des souvenirs, des rêves, peut-elle aussi aider à éveiller dans la maladie, dans le handicap ceux qui semblent endormis, ceux qui semblent avoir disparus.

La musique peut-elle avoir en effet thérapeutique, un effet de soin.

Le nom d’art thérapeutique est ambigu. L art peut être source d’émotion de bien-être. La musique écrit Oliver Sacks, a le pouvoir d’intégrer, de guérir, de donner de la liberté.

Dans ce sens, l’art peut être un soin peut être important, peut être  vital comme une relation humaine sans qu’il soit nécessaire d’en faire une branche spécifique de la médecine.

Mais, nous dit Oliver Sacks, dans son livre Musicophilia, l’aide de la musique dans l’accompagnement de personne atteinte de maladie ou en situation de handicap mental, n’a véritablement commencé à être reconnu qu’à la fin des années 70. La musique a été utilisée pour aider les patients atteints de maladie de Parkinson. La maladie de Parkinson  peut entraîner une difficulté a initier spontanément des mouvements. Quelque chose dans le lien automatique habituel entre intention et mouvement, est altérée.

La personne peut devenir  fixée, rigide mais elle peut répondre à une stimulation et la musique agit comme une stimulation. Le corps peut se remettre à bouger en réponse à la musique.

Oliver Sacks nous raconte l’histoire de c cette femme atteinte de la maladie de Parkinson. Les chants, les mélodies qu’elle connaissait, lui redonnaient soudain le mouvement et un sentiment de réalité. Elle pouvait alors disait elle, dansait hors du cadre et bouger librement avec grâce….C’était comme un souvenir soudain de ma propre mélodie de vie de ma propre musique de vie ; mais l’effet de la musique ne dure que le temps de la musique.

Vous êtes la musique tant que dure  la musique disait T. S.Eliot  et c’est ce qui se passe dans la maladie de Parkinson.

 La musique est aussi utilisée pour des personnes qui souffrent d’aphasie, dune perte de la capacité de parler en raison d’une atteinte dans le cerveau, de l’aire de la parole de l’aire de Broca, dans l’hémisphère cérébral dominant en général de l’hémisphère gauche. Mais la personne qui n’arrive plus a parler, peut garder la capacité de chanter, de dire les paroles de la chanson en la chantant. Et elle découvre soudain qu’elle n’a pas perdu les mots. Elle révèle aux autres qu’elle na pas perdu les mots. Ils sont quelque part en elle-même, même si elle ne peut plus les mobiliser pour dire ce qu’elle veut exprimer en parlant.

 Le langage n’est pas uniquement une succession de mots dans un ordre temporel donné. Il y a des inflexions d’intonation, un rythme, une musique et des personnes atteintes d’aphasie peuvent avoir perdu non pas les mots mais cette musique.Elle parle de manière saccadée et la musique, la chanson, parole et musique, le travail avec un thérapeute peut progressivement permettre de retrouver certaine de ces capacités qui semblaient perdues et peut parfois même permettre de désenclaver des paroles de chansons et de les utiliser intentionnellement pour dire ce que l’on veut exprimer.

On pensait que c’était l’hémisphère droit qui prenait le relais de l’aire de Broca, de l’aire de la parole dans hémisphère gauche

C’est parfois le cas révélant encore une fois ainsi l'extraordinaire plasticité du cerveau. Mais des travaux depuis une quinzaine d’années suggèrent qu’il existe souvent une hyper activation de l’hémisphère droit qui inhibe la région qui est atteinte dans l’hémisphère gauche et la chanson, le dialogue en chanson avec le thérapeute, semble diminuer cette hyper activation et redonner une degré de liberté aux aires de la parole. Contrairement à l effet de la musique dans la maladie de Parkinson, ici la relation au thérapeute est essentielle.

Le langage n’est pas simplement quelque chose de neurologique, de cérébral. Le langage  est social.

Retrouver le langage même si la musique aide s’est dans un dialogue, dans une relation humaine dans une interaction….

Et c’est créer une relation, puiser en soi les éléments qui rendent possible cette relation, que la musique, la chanson aide à accomplir. L’émerveillement de se réinventer."


Jean-Claude AMEISEN  

(j'avais omis de préciser les sources alors les voilà!)

retranscription de l émission  "sur les épaules de Darwin" du samedi 27 novembre sur France inter

 

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