Comment raconter le vent...
Comment raconter le vent, les remous de la lumière dans le ciel et
ses flux foudroyants, ses chatoiements,
ses éclaboussures or, mauves, ambrées, rosées ou argentées sur les
roches? Comment raconter l'eau des torrents à la beauté aussi
insaisissable et fugace que celle de la lumière, toujours en mouvement,
en élan et en effervescence ? Comment raconter le souffle, le regard,
l'odeur tiède et pénétrante des bêtes placides ruminant tout le jour des
touffes d'herbe infusées de pluie, de vent, de soleil, de neige? Je ne
suis pas poète.
Et comment retraduire les échos lancés en moi par la
vaste et inlassable voix du dehors, du temps en marche? Et encore,
comment dire le progressif détachement que je sens s'opérer en moi, ce
discret oubli de moi-même qui me vient au contact de cette terre
rugueuse, de cet air limpide et dru, de cette eau toujours glacée,
partout jaillissante, ruisselante, fracassée en écume, ou sculptée par
le gel en hiver, et de ces bêtes lentes sans fin sonnaillant pour mieux
rehausser le silence?
Les mal-aimants de Sylvie Germain