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D'ombre et de lumiere
12 mars 2010

L'être humain ne sera jamais adulte tant qu'il s'en remet à d'autres pour sa dignité

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"Le piano soudain résonne. Elle baisse la tête. La vague sonore recouvre tout, tendre comme une mère se penchant sur son enfant. La lumière fanée du crépuscule. Elle réveille dans ses yeux la lueur des soirs heureux. Le murmure des eaux, le crissement des grillons, le chant limpide des oiseaux, le bruissement des feuillages s'élevant des brumes de l'oubli pour accueillir l'aube. Silencieux et tendre, son père l'emmène dans les jardins de la banlieue de Hanoï. Là, parmi les fleurs de xuxi dorées, les œillets aux pétales de velours, les gueules de chiens immaculées et les pivoines écarlates, elle cherche passionnément les secrets de l'existence. Un frelon fouille le cœur d'une fleur en forme de trompette, un hanneton au dos rouge et aux ailes noires se tapit sous des feuilles vertes. La vie sera toujours cette recherche passionnée. Aucune chute, aucun échec ne mérite le désespoir. Chaque illusion qui s'écroule grandit l'être humain. Chaque idole qu'on renverse est un pas en avant vers la sagesse. L'homme doit goûter au désespoir pour retrouver une espérance authentique.

Linh regarde tranquillement sa douleur.  Elle a accepté tant de malheurs. Mais elle s'est réveillée, elle a grandi. L'être humain ne sera jamais adulte tant qu'il s'en remet à d'autres pour sa dignité, à des idoles nimbées d'étoiles et de lumière. Il ne doit croire et espérer qu'en lui-même, car ce sont ses propres pas qui l'amèneront au fin fond de son existence.
Les cordes se sont tues, le piano élève sa voix limpide. Il égrène dans le cœur de la femme la tendresse infinie de la vie. Le chant de la pluie sur un toit solitaire un soir de printemps ensoleillé, à l'instant où les bêtes sortent de leurs tanières, où les hommes épuisés, las, secouent la poussière du jour pour se fondre dans les flots impétueux de la création. Un silence soudain, et tous les instruments de musique explosent d'une seule voix, la voix de la marée. L'océan, ses rivages hérissés de vagues bondissantes, ses eaux couvertes d'écume, de barques, d'oiseaux. Les orages et les aubes.
Linh regardera dorénavant avec les yeux expérimentés de celles qui ont vécu. Plus rien ne pourra la faire souffrir ou se passionner aveuglément. Elle mesurera son mépris et n'accordera sa confiance qu'à l'issue des épreuves. Elle ne pourra plus jamais suivre d'autres voies que la sienne.

Elle ne ressent plus d'urgence. Elle a besoin de silence. Lentement, la femme marche dans la ville.
Pour la première fois, elle se sent ferme sur terre, elle n'éprouve plus le besoin de s'appuyer sur quelqu'un. Une nuit calme et douce. Elle entend les feuilles tomber, les jeunes pousses saillir, les fleurs s'épanouir. Derrière ces sons, jaillit une autre musique, muette, la musique qui sourd de l'intimité des êtres humains, là où toute conscience se paie avec de la douleur, là où les espoirs neufs se construisent à partir de la ruine des illusions, là où la vie, comme des lianes d'immortelles, recouvre les couronnes et les bouquets resplendissants. En dépit des ruines. En dépit du mensonge."

Au delà des illusions de Duong Thu Huong

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Commentaires
S
Comme c'est beau ...
C
ta photo est parfaite de sensibilité lumineuse, merci !
M
être une note dans la symphonie de la vie ...
L
On les trouve par ici, petites filles marchant le long d'un chemin.
M
Ici toujours un rendez-vous avec l'intelligence sensible... une source de lumière , une respiration... un souffle de vie... merci pour tout cela...
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