Le monde du rêve n'existe pas moins fort que le monde réel.
Le faiseur de rêves...
"Je m'assieds sur la banquette. Je passe la main dans mes cheveux et j'attends que le chagrin se retire. Il finit toujours par se retirer. Je regarde vers le mur du fond de la cuisine. Il s'agit de vérifier la présence ou l'absence de la mirifique porte bleue. Je sais parfaitement que je ne dispose pas d'une remise et encore moins d'un cagibi somptueux aux airs de salle de bal. J'ignore ce que j'espère. Peut-être croiser le mirage de Mme Cohen, la douanière de l'autre espace, du monde dans lequel les souhaits ont un pouvoir performatif. Que la porte soit et la porte fut. Le monde du rêve n'existe pas moins fort que le monde réel. Quelle est la différence? Soudain je ne sais plus. Dans le monde des rêves, on n'a pas de soucis, me dis-je. Mais c'est faux, dans les cauchemars, on n'a que ça. Dans le monde réel, les actes ont des conséquences; c'est cependant aussi le cas dans-les rêves. Non, je m'égare. C'est plus général, une question de continuité. Dans la vie, tout s'enchaîne, l'erreur d'hier avec la réparation de demain, la faute du mois dernier avec le châtiment du mois suivant. Dans les rêves, en revanche, les tranches de vie sont étanches."
Agnès Desharthe "Mangez-moi"
et faiseur de couleurs.