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D'ombre et de lumiere
10 juillet 2007

L'art du mouvement: approche par le dessin et le tai chi chuan

 aiguille_au_fond_de_la_mer

"L'aiguille au fond de la mer" mouvement de l'enchaînement, ici le mouvement inscrit à l'encre de chine... Pour aller vers le bas le geste va d'abord vers le haut

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Spirales qui régissent le corps et l'espace plus qu'on pourrait le croire...

"Dans mon souvenir, le haka était un genre de danse un peu grotesque que font les joueurs de l'équipe néo-zélandaise avant le match. Du genre intimidation à la manière des grands singes.

Les joueurs néo-zélandais ont commencé leur haka. Parmi eux, il y avait un très grand joueur maori, un tout jeune. C'est lui que mon œil avait accroché dès le début, sans doute à cause de sa taille au départ mais ensuite à cause de sa manière de bouger.
Un genre de mouvement très curieux, très fluide mais surtout très concentré, je veux dire très concentré en lui-même. La plupart des gens, quand ils bougent, eh bien ils bougent en fonction de ce qu'il y a autour d'eux. Juste en ce moment, quand j'écris, il y a Constitution qui passe avec le ventre qui traîne par terre. Cette chatte n'a aucun projet construit dans la vie mais elle se dirige pourtant vers quelque chose, probablement un fauteuil. Et ça se voit dans sa façon de bouger : elle va vers. Maman vient de passer en direction de la porte d'entrée, elle sort faire des courses et en fait, elle est déjà dehors, son mouvement s'anticipe lui-même. Je ne sais pas très bien comment expli
quer ça mais quand nous nous déplaçons, nous sommes en quelque sorte déstructurés par ce mouvement vers : on est à la fois là et en même temps pas là parce qu'on est déjà en train d'aller ailleurs, si vous voyez ce que je veux dire. Pour arrêter de se déstructurer, il faut ne plus bouger du tout. Soit tu bouges et tu n'es plus entier, soit tu es entier et tu ne peux pas bouger. Mais ce joueur, déjà, quand je l'avais vu entrer sur le terrain, j'avais senti quelque chose de différent. L'impression de le voir bouger, oui, mais en restant là. Insensé, non ? Quand le haka a commencé, c'est surtout lui que j'ai regardé. C'était clair qu'il n'était pas comme les autres.
Tout le monde était hypnotisé par lui mais personne ne semblait vraiment sa
voir pourquoi. Pourtant, c'est devenu évident dans le haka : il bougeait, il faisait les mêmes gestes que les autres (se taper les paumes de mains sur les cuisses, marteler le sol en cadence, se toucher les coudes, le tout en regardant l'adversaire dans les yeux avec un air de guerrier énervé) mais, alors que les gestes des autres allaient vers leurs adversaires et fout le stade qui les regardait, les gestes de ce joueur restaient en lui-même, restaient concentrés sur lui, et ça lui donnait une présence, une intensité incroyables. Et du coup, le haka, qui est un chant guerrier, prenait toute sa force. Ce qui fait laforce du soldat, ce n'est pas l'énergie qu'il déploie à intimider l'autre en lui envoyant tout un tas de signaux, c'est la force qu'il est capable de concentrer en lui-même, en restant centré sur soi. Du coup, j'ai regardé le match avec attention en cherchant toujours la même chose : des moments compacts où un joueur devenait son propre mouvement sans avoir besoin de se fragmenter en  Le joueur maori, il devenait un arbre, un grand chêne indestructible avec des racines profondes, un rayonnement puissant, et tout le monde le sentait. Et pourtant, on avait la certitude que le grand chêne, il pouvait aussi voler, qu'il allait être aussi rapide que l'air, malgré ou grâce à ses grandes racines. Il était entiérement dans le mouvement et pas
se dirigeant vers. Et j'en ai vu ! J'en ai vu dans toutes les phases de jeu : dans les mêlées, avec un point d'équilibre évident, un joueur qui trouvait ses racines, qui devenait une petite ancre solide qui donnait sa force au groupe ; dans les phases de déploiement, avec un joueur qui trouvait la bonne vitesse en arrêtant de penser au but, en se concentrant sur son propre mouvement t qui courait comme en état de grâce, le ballon collé au corps ; dans la transe des buteurs, qui se coupaient du reste du monde pour trouver le mouvement parfait du pied. Mais aucun n'arrivait à la perfection du grand joueur maori.
Les commentateurs  n'arrivaient pas à cacher qu'on avait vraiment vu quelque chose de beau : un joueur qui courait sans bouger en laissant tout le monde derrière lui. C'est les autres qui avaient l'air d'avoir des mouvements frénétiques et maladroits et qui pourtant étaient incapables de le rattraper.
Alors je me suis dit : ça y est, j'ai été capable de repérer dans ce monde des mouvements immobiles."

"L'élègance du Hérisson" de Muriel Barbery

Passage du livre que je suis en train de lire et qui fait complètement écho à ma pratique du Tai chi chuan qui est en soi l'art du mouvement...
Je ne saurais vous en parler beaucoup..
Le tai chi chuan, on ne  le découvre que dans une pratique.

A mes débuts ce que l'on pouvaient m'en dire me faisaient parfois sourire, je me disais: beaucoup de grands mots pour de simples mouvements, des mots faciles à dire et je ne vois rien !

Et pourtant... Petit à petit, je ressens, je perçois non pas la Grande Energie  juste celle toute simple de la vie qui nous traverse.
Et mon regard s'affine  je perçois une attitude juste, un geste relâché ou un autre qui s'exprime avec ses nœuds, blocage que je perçois plus facilement chez les autres que chez moi et que je ne percevais pas à mes commencements.

Je percevais surtout la grâce d'un mouvement et non pas sa justesse. Mon œil s'est aiguisé et je devine un mouvement qui vient du centre ou non  où le corps est fluide ou désarticulé dans son mouvement même...

Je perçois un peu des spirales internes qui accompagnent tout mouvement... Pour un simple coup de poing par exemple, le geste ne part pas droit comme on pourrait le penser. Le mouvement naît d'une spirale qui part du centre et s'enroule autour de la colonne verticale; un mouvement vers l'avant prend sa racine vers l'arrière et revient vers l'avant dans un cercle interne; pour aller vers le haut il est nécessaire d'aller vers le bas de s'enraciner au sol relâcher les épaules que l'on tendance à remonter instinctivement; savoir vider ses hanches auxquelles on fait souvent tout porter alors qu'elles devraient se vider ou se remplir dans une parfaite souplesse... Trouver l'énergie du mouvement puisé dans l'enracinement du sol qui nous porte passe par le centre, se délie dans le corps  s'exprime par les mains  le tout dans un relâchement bien présent.
Un peu comme un chat qui se déplace [pas comme dans le texte cité!!]...

Voilà quelques exemples pour percevoir la subtilité d'un mouvement.  Lorsque peu à peu on le trouve, il devient si facile, si évident...

Tant de simplicité si difficile à saisir!!...

Je ne perçois pas toujours d'où vient le blocage ce qu'il manque, d'où naît le déséquilibre...
Mon prof a ce grand art de faire deux gestes apparemment identiques et pou
rtant dans l'un on sent un manque de relief et dans l'autre on trouve une très grande force et profondeur. Il nous fait également constaté  d'une manière étonnante son efficacité ou non.
Intraduisible, d'une subtilité interne indescriptible que j'entrevois à peine, le mouvement me traverse  me vide et me remplit pourtant de sa force sereine. Le geste juste -et en est il un ?-  est difficile et long voir inatteignable...

Je sais cet art difficile il faut y lire l'invisible dans le visible. Il faut sentir dans son corps les noeuds, chercher le chemin qui délie par un pratique continuelle et le prof qui pointe des chemins.

 

 

 

 

 

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Commentaires
J
Je vous ai répondu par email.<br /> :=))
C
J-Jour: Excuse d'avoir pris tout ce temps à répondre. Je t'ai répondu par mail hier soir et j'espère que tu l'as bien reçu.<br /> Si ce n'est pas le cas n'hésite pas à me dire...
J
Très intéressant cette observation du joueur maori. <br /> J'aimerais pouvoir voir l'enregistrement du match. Peut-être d'ailleurs aurais-je vu le match dont vous parlez sans avoir pu voir ce que vous y avez vu, du reste...<br /> <br /> J'aimerais également bien trouver un cours (un maître?) de tai chi qui ouvre aussi bien à la perception du mouvement que celui que vous suivez. <br /> Bien que tout ne vienne pas du cours ni du maître lui-même. :=))
D
"Soit tu bouges et tu n'es plus entier, soit tu es entier et tu ne peux pas bouger" fait écho à ta perception "Lire le visible dans l'invisible"... de cinq années de pratique du Taï chi... L'histoire du buteur maori du texte de Muriel Barbery est aussi éclairante... et un beau soleil fitré dans cette clairière où s'est déroulé ton stage... Au fait, chère Corinne, j'ai fait un petit hommage à "Ombre et lumière" dans mon dernier article...
W
Le style n'est que le mouvement de l'âme. <br /> Jules Michelet<br /> <br /> Bon retour Corinne
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