Le bonheur, l'invisible diffus dans le visible
Le bonheur, c'était ici et maintenant qu'elle le voulait, […] un seul bonheur, tout d'une pièce, terrestre et céleste à la fois, temporel et éternel d'un tenant : le bonheur d'être au monde, en ce monde-ci, de l'habiter pleinement et de l'aimer tout en le reconnaissant inachevé, traversé d'obscures turbulences, troué de manque, d'attente, meurtri, raviné par d'incessantes coulées de larmes, de sueur et de sang, mais aussi irrigué par une inépuisable énergie, travaillé de l'intérieur par un souffle à la fraîcheur et à la clarté d'aurore — caressé par un chant, un sourire.[…]
un don de claire-voyance, de claire-audience qui lui permettait de percevoir l'invisible diffus dans le visible, la lumière respirant même au plus épais des ténèbres, un sourire radieux se profilant à l'horizon du vide, affleurant jusque dans les eaux glacées du néant.
Le don d'une autre sensibilité, d'une intelligence insolite, et d'une patience sans garde ni mesure. Le don d'une humilité lumineuse — minuscule clef de verre, de vent, ouvrant sur l'inconnu, sur l'insoupçonné, sur un émerveillement infini.
Sylvie Germain " Les Mal-Aimants"